Edition 2024

Michel Medinger - L’ordre des choses

Luxembourg Photography Award 2024

MICHEL MEDINGER

Dans le cadre de la 55e édition des Rencontres d’Arles

Du 1er juillet au 29 septembre 2024 à la Chapelle de la Charité

Vernissage le mercredi 3 juillet à partir de 19h sur le parvis de la Chapelle de la Charité

"Lord of the things", 2018, Collection CNA © Romain Girtgen / CNA


Nous sommes très heureux d’annoncer que le Luxembourg Photography Award 2024 est décerné à Michel Medinger. L’exposition qui lui sera consacrée aux Rencontres d’Arles, du 1er juillet au 29 septembre 2024, à La Chapelle de la Charité est placée sous le commissariat de Sylvie Meunier.

Né en 1941 au Luxembourg, Michel Medinger a progressivement développé une pratique photographique régulière. Autodidacte, il a expérimenté de nombreuses techniques : la photographie N/B, le travail en chambre noire avec des chimies de sa propre facture, le cibachrome ou encore les polaroïds, en se construisant un univers tout à fait particulier. Grand collectionneur d’objets, il met en scène ces techniques dans des compositions étranges emplies d’un humour irrévérencieux. Ses photographies sont empreintes de second degré et de poésie, parfois sur des sujets iconoclastes. Au-delà de son atelier, il puise dans les objets de son environnement quotidien pour construire ses compositions et ses tableaux photographiques, comme un cabinet de curiosité. En les mettant en scène obsessionnellement, avec un penchant pour le surréalisme, il introduit une narration et des rapports d’échelle singuliers. Michel Medinger ne laisse rien au hasard.

Ses travaux ont conduit l’artiste dans le monde entier. Il a exposé ses Polaroïd Masterprints à Pékin, il a participé à des expositions au Luxembourg, en France, aux Etats-Unis, au Danemark, en Russie, en Pologne et au Japon.

Partant de la sélection de l'artiste Michel Medinger pour l'exposition à la Chapelle de la Charité à Arles, Lët'z Arles a lancé un appel à projet curatorial pour le commissariat de cette exposition monographique.

Sylvie Meunier a été choisie par le jury suivant :

  • Paul di Felice, Président de EMOP et curateur indépendant

  • Danielle Igniti, Vice-Présidente du MUDAM et curatrice indépendante

  • Sabrina Ponti, Co-Présidente des Filles de la Photo et agent de photographes

  • Florence Reckinger-Taddeï, Présidente de Lët'z Arles et des Amis des Musées de Luxembourg

  • Michèle Walerich, Responsable du Département Photographie du Centre national de l’audiovisuel (CNA)

  • Christoph Wiesner, Directeur des Rencontres d’Arles

L’exposition est produite par Lët’z Arles en collaboration avec le Centre national de l’audiovisuel (CNA), avec la contribution de l’artiste et de ses proches.

L’exposition et les manifestations associées s’inscrivent dans le cadre du 70e anniversaire de l’accord culturel franco-luxembourgeois.

L’exposition : “Michel Medinger - L’ordre des choses”

Commissariat : Sylvie Meunier

Exposition intégrée à la séquence “Esprits (Yōkai) des Rencontres d’Arles

Alchimiste extravagant, ancien sportif olympique, Michel Medinger est aujourd’hui l’un des plus importants photographes luxembourgeois. Autodidacte, il puise ses références dans l’âge d’or de la peinture néerlandaise, en faisant un détour du côté des surréalistes ou encore des dadaïstes.

Au cours des quatre dernières décennies, la nature morte a été une obsession jubilatoire pour ce grand explorateur de toutes les techniques photographiques, qui a développé tous ses tirages dans son laboratoire et a expérimenté de très nombreux procédés, du Cibachrome en passant par le transfert polaroïd ou encore le platinotype.

Chacune de ses photographies est le fruit d’une mise en scène soigneusement élaborée, qu’il compose à partir de sa fabuleuse et fantasque collection d’objets accumulés année après année dans sa maison, où chaque recoin accueille une part de son univers créatif. Ses tiroirs sont remplis de vieux outils, squelettes d’oiseaux, fleurs fanées, crânes, bibelots ou encore de fruits et légumes anthropomorphes. Tout un abécédaire, dont il emprunte les éléments symboliques au genre pictural des vanités et qu’il manie avec humour et un brin d’irrévérence.

Les associations d’objets, étranges et incongrues, qu’il imagine, fabriquent des images surprenantes, parfois inquiétantes. Des photographies où la fantaisie, l’érotisme et la mort se côtoient en permanence. Un objet banal du quotidien prend soudain forme humaine et nous pointe tout l’intérêt que l’artiste porte aux grandes questions de la condition humaine. Ses œuvres-allégories célèbrent à la fois la précarité, la fragilité et la beauté de l’existence.

L’exposition-installation réunira une sélection d’une cinquantaine de ses photographies, dont certaines inédites, et les objets de sa collection, sous la forme d’un monumental cabinet de curiosité.

Sylvie Meunier

La scénographie

L’exposition Michel Medinger - L’ordre des choses se compose d’une trentaine de photographies originales et d’une quinzaine de tirages reproduits sur des caissons lumineux, ainsi que de nombreux objets présentés dans un monumental cabinet de curiosité, qui entre en résonance avec l’architecture baroque de la Chapelle de la Charité.

Idée originale de Sylvie Meunier, qui reprend l’effet d’accumulation propre aux cabinets de curiosité du XVIe siècle, ce dispositif montre de nombreux objets qui ont occupé de manière obsessionnelle le quotidien de l’artiste. Un jeu de regard inédit se crée ainsi entre les objets et les photographies.

Cette installation monumentale, sur près de six mètres de haut, et occultant partiellement l’autel baroque a été réalisée grâce à une collaboration exceptionnelle avec Norbert Brakonier, Nico Steinmetz et Laurent Loschetter dont l‘expertise a été précieuse.

Les natures mortes

« Ce que j’aime c’est la lenteur de photographier avec la chambre. Regarder plus et perdre son temps. C’est comme la célébration d’une messe. » Michel Medinger

Les associations d’objets improbables et incongrues que Michel Medinger imagine dans ses natures mortes sont le fruit d’une longue réfexion et d’une mise en scène soigneusement élaborée. En s’amusant à détourner les objets de leur fonction première, ceux-ci prennent de nouvelles signifcations. Il en ressort des œuvres inquiétantes et surprenantes pour certaines, poétiques pour d’autres, dans un registre firtant entre le magnifque et le mystérieux. Ces « objets-acteurs » déplacent notre regard, convoquent notre imaginaire et nous pointent tout l’intérêt que l’artiste porte aux grandes questions de l’existence, telles que la mort, l’érotisme et la condition humaine. Les natures mortes que l’artiste n’a eu de cesse de photographier pendant plus de quarante ans sont devenues emblématiques de l’œuvre de Michel Medinger.

L’envers des choses

« Le choix des objets ainsi que leur emplacement font partie de ma démarche créative. J’aime utiliser des feurs fanées d’abord parce que formellement, cet état m’intéresse, mais aussi parce que j’aime montrer l’envers des choses. Je suis particulièrement sensible aux changements, aux décompositions… Les hommes font trop souvent semblant de ne voir que la beauté éternelle. » Michel Medinger

En 1960, Michel Medinger débute sa pratique artistique par la peinture, avec diverses reproductions de tableaux de renom, notamment des natures mortes. C’est son admiration pour la peinture classique et les vanités du XVIIe siècle qui sont à l’origine de ses mises en scène photographiques de natures mortes. Ces compositions de feurs fanées permettent à l’artiste d’évoquer l’un de ses sujets favoris : la fragilité de la vie et du temps qui passe. Beauté et fétrissement célèbrent à la fois la précarité et la préciosité de l'existence et nous invitent à une contemplation philosophique de notre condition humaine.

Le cabinet de curiosité

« Le choix des objets ainsi que leur emplacement font partie de ma démarche créative. J’aime utiliser des feurs fanées d’abord parce que formellement, cet état m’intéresse, mais aussi parce que j’aime montrer l’envers des choses. Je suis particulièrement sensible aux changements, aux décompositions… Les hommes font trop souvent semblant de ne voir que la beauté éternelle. » Michel Medinger

Les objets exposés dans ce cabinet de curiosité proviennent de la maison de Michel Medinger à Contern (Luxembourg). Année après année, l’artiste a collecté et accumulé de manière obsessionnelle des objets étranges et incongrus. Vieux outils, feurs fanées, fgurines en plastique, objets religieux, poupées, squelettes d’animaux, légumes séchés forment un abécédaire hétéroclite qui lui permet de composer ses photographies, parfois en se mettant lui-même en scène dans des portraits surprenants et plein d’humour. En convoquant les objets et en les déplaçant de leur contexte habituel, l’artiste nous surprend par les jeux d’associations inattendus qu’il propose. Il tisse avec malice et poésie des liens entre les objets et les symboles.

Les transferts couleur

« Athlète, j’étais rivé corps et âme à la ligne d’arrivée, au but à atteindre. Aujourd’hui, photographe, je suis hanté de même par un seul et unique dessein : explorer les potentialités de mon thème, le décliner et l’inféchir, le presser comme un citron dans l’espoir d’en extraire la vérité. » Michel Medinger

Grand amateur du laboratoire photographique et chimiste de formation, Michel Medinger développe ses tirages lui-même, guidé sans cesse par son sens du perfectionnisme tout à fait remarquable. Il expérimente dans son atelier des chimies de sa propre facture et revisite les techniques anciennes de tirages, telles que le cyanotype, le Cibachrome, le platinotype, la solarisation et teste les infnies possibilités chromatiques des virages au sélénium et à l'uranium. L’artiste a exploré les nombreuses déclinaisons techniques du flm instantané Polaroïd et notamment celles du transfert polaroïd couleur. Ces natures mortes doivent leur beauté et leur esthétique à cette technique du transfert qui consiste à décoller l’émulsion afn de l’appliquer sur un support papier.

Toutes les photographies © Armand Quetsch / CNA

Sylvie Meunier, 2024 © Krystyna Dul

Lët’z Arles : Vous avez découvert le travail de Michel Medinger spécifiquement pour ce projet d’exposition. Qu’est-ce qui vous a semblé singulier, en premier lieu, dans son univers créatif, avant de vous pencher plus largement dans ses archives ?

Sylvie Meunier : Je crois que j’ai réellement compris le travail de Michel Medinger à partir du moment où je suis rentrée dans son atelier. Sur chaque étagère, dans tous ses tiroirs, du sol au plafond, accrochés sur chacun de ses murs, j’avais sous les yeux des objets. Des objets étranges, incongrus, une accumulation hétéroclite. De petits objets pour la plupart. De vieux outils, des fleurs fanées, des jouets en plastique, des squelettes d’animaux, des légumes séchés, des cônes en métal, des tirages… Un univers entier, à part. Et très vite, on sourit, on s’émerveille, on s’interroge. Michel Medinger n’est pas collectionneur, mais collecteur. On comprend qu’il a passé sa vie à glaner et réunir tous ses objets. On retrouve la grenouille séchée clouée au mur, on la croyait grande, on la découvre toute petite. On reconnaît le singe, qui ne mesure que quelques centimètres. On se prend au jeu, on regarde et on s’amuse à reconnaître tous les acteurs de ses photographies. Ils sont tous là.

Sylvie mEUNIER, commissaire de l’exposition

Sylvie Meunier
Née en 1973 à Paris, France.
Vit et travaille à Sète, France.

Après des études à l’Université Paris VIII dans la section « Arts & Technologies de l’image », elle sort diplômée d’un DEA en Esthétique de l’image. Tout en conservant une pratique artistique autour de l’expérimentation de l’image, elle travaille en tant que scénographe, directrice artistique et commissaire d’expositions dans le champ de la photographie contemporaine. Elle scénographie les expositions du festival Portrait(s) depuis de nombreuses années et collabore avec des galeries, artistes et institutions.
Son travail plastique se développe autour de la réappropriation de photographies anonymes qu’elle collecte depuis de nombreuses années. Chacun de ses projets est une occasion d’expérimentations formelles et techniques. Ses recherches plastiques portent sur la matérialité de l’image et se déploient sous de multiples formes (installations, expositions, mais aussi objets édités, livres et jeux), qu’elle expose régulièrement en France et à l’étranger.

Lët’z Arles : L’artiste a conservé dans ses archives de nombreux tirages, toutes époques, toutes thématiques et toutes techniques confondues. Qu’est-ce qui a guidé le choix de sélectionner certaines séries en particulier pour cette exposition ?

Sylvie Meunier : J’ai passé beaucoup de temps dans l’atelier de Michel Medinger, à regarder ses tirages, à m’imprégner de son travail, de son univers, à découvrir ses multiples expérimentations. J’ai rencontré ses amis photographes, sa famille, les personnes ayant travaillé avec lui. Et je suis restée sur ma première impression, celle de cette incroyable relation aux objets, indissociable pour moi de son œuvre. Chaque photographie est le résultat d’une mise en scène soigneusement pensée, préparée et étudiée. Il lui faut parfois des mois avant qu’un objet ne trouve sa place et que la photographie existe. En collectant, il photographie déjà; en accumulant, il construit déjà ses prochaines compositions. En convoquant les objets et en les détournant de leur fonction première, l’artiste nous surprend par les jeux d’associations qu’il propose. Il fait dialoguer les objets entre eux, ils se parlent, se répondent. Tout cela avec jubilation, humour, gravité et une pointe d’irrévérence. C’est cela que j’ai souhaité faire découvrir au public, en invitant ses objets et ses photographies à dialoguer dans ce magnifique lieu de la chapelle de la Charité.

Lët’z Arles : Les objets ont une place importante dans le travail de l’artiste et « habitent » littéralement son environnement quotidien : quelles typologies d’objets ou quels motifs reviennent de manière récurrente dans son travail ?

Sylvie Meunier : Michel Medinger puise ses références dans la peinture classique et les vanités du XVIIe siècle, son attrait pour le vernaculaire est indéniable. Les objets qui composent ses photographies sont utilisés pour leurs pouvoirs symboliques. Nous retrouvons beaucoup de figures présentes dans les vanités, tels que le crâne et les squelettes d’animaux, qui symbolisent la mort ; les fleurs fanées et légumes desséchés qui sont des métaphores de la fragilité de la vie et du temps qui passe. Le motif de l’œil est une référence aux surréalistes. Les objets religieux, figurines et jouets en plastique lui permettent de créer des situations incongrues et décalées. Il tisse avec malice des liens entre des objets et les symboles. C’est en apparence léger et drôle, mais à y regarder de plus près, c’est une fenêtre grande ouverte sur sa vision du monde et ses questionnements.


L’ouvrage en quelques repères :

  • Titre : “Michel Medinger – Lord of Things”

  • Direction d’ouvrage : Sylvie Meunier et Florence Reckinger-Taddeï

  • Auteurs : Cyrille Putman, Paul di Felice et Florence Reckinger-Taddeï

  • Coédition : Lët’z Arles, Centre national de l’audiovisuel (CNA) et Palais books

  • ISBN : 978-2-9199528-4-7

  • Bilingue français / anglais

  • Tirage : 1500 exemplaires

  • Format : 165 x 240 mm, hardcover, 168 pages

  • Prix de vente unitaire : 39,00 € TTC

  • Édition limitée disponible avec un tiré à part


Ses œuvres, fenêtres ouvertes vers son propre intérieur, permettent de cheminer dans cette forêt d’ambiance, peuplée d’étranges mariages de créatures, d’accidents de parcours et d’associations irrésistibles, souvent spirituelles. Sa perception du monde ici et maintenant. Je pense à une image en particulier où l’artiste a superposé deux formes aux contours proches ; une vieille chaussure de sport usée jusqu’à la corde, portée par son père lors des Jeux Olympiques d’été en 1936 à Berlin et le squelette d’un mammifère à tête oblongue, vraisemblablement un crocodile ou son cousin germain.

Ces deux objets se ressemblent follement, mêmes silhouettes et presque la même texture. Photo frappante. Michel Medinger s’amuse beaucoup avec ses jouets, il aime bâtir des ponts entre choses qui ne se croiseraient nulle part ailleurs. Ce travail de mise en scène participe à la construction d’un cadre inédit et inclassable. »

Cyrille Putman

La publication

La publication “Michel Medinger - Lord of Things” prend ses racines dans les travaux méconnus, pour certains inédits, de Michel Medinger découverts lors de recherches menées par Sylvie Meunier, assistée de Krystyna Dul, pour les besoins de l’exposition.

Il est apparu nécessaire de publier un ouvrage enrichi de ces photographies et augmenté de nouveaux textes de Cyrille Putman, Florence Reckinger-Taddeï et Paul di Felice, qui contribuent à dresser un portrait exhaustif de l’artiste et de son travail

Une commande photographique réalisée par le CNA (photographies par Armand Quetsch) permet de conserver une archive précise de l’univers de l’artiste au sein de ses objets et de sa maison.

Grâce à l’expertise de Palais books, maison d’édition dédiée à la photographie, un parti pris a été choisi de faire dialoguer les oeuvres de Michel Medinger à ces photographies qui documentent les processus créatifs de l’artiste.

EXTRAITS DE MICHEL MEDINGER - LORD OF THINGS (2024)

« Habité par une intrinsèque excentricité, mêlée d’une curiosité toujours insatisfaite, l’homme commença à tisser un fil, d’abord invisible, entre son travail et la photographie, mettant son savoir et son métier au service de ses discrètes expérimentations. [...] Michel Medinger compose ses propres strates de sensibilité, évoluant au gré de ses recherches et des rencontres avec les objets qu’il accumule dans sa maison, mémoire externe de sa boîte crânienne. Esprit irrévérencieux un peu provocateur, il aime organiser d’étranges associations, drôles de rencontres formelles ou spirituelles qui ne laissent pas le regardeur dépourvu d’émotions.

La 55e édition des Rencontres d’Arles

Remous, esprits, traces, lectures parallèles et relectures sont autant de nouvelles perspectives qui soustendent l’édition 2024 des Rencontres d’Arles. Photographes, artistes et commissaires dévoilent leurs visions, leurs histoires, telle que celle de notre humanité, tour à tour contrariée, en perpétuelle redéfinition, résiliente, mais aussi visionnaire. À la marge ou établis, les récits mènent à des voi(x)es multiples. Tous émanent des interstices d’une surface poreuse : ils s’entremêlent, se superposent, se chevauchent. La période est excitante, tant cet ensemble conduit à une pluralité d’itinéraires à emprunter.

La première rétrospective mondiale de la photographe documentaire et portraitiste étatsunienne Mary Ellen Mark, Rencontres – coproduite par la Fondation C/O Berlin et la Fondation Mary Ellen Mark –, ouvre la marche en occupant l’ensemble du rez-de-chaussée de l’Espace Van Gogh où se côtoient célébrités et marginalisés de la société, que la photographe a parfois suivis durant des années. Au sein de la majestueuse église des Frères Prêcheurs, Cristina De Middel nous emmène, inspirée de Jules Verne, sur le chemin de son Voyage au centre (de la terre). Elle livre l’histoire d’une migration entre le sud du Mexique et Felicity, petite ville de Californie dont elle témoigne de la complexité, face à une information relayée par les médias souvent trop réductrice. Oscillant entre réalité et fiction, la traversée du territoire devient une épopée héroïque pour des individus en quête d’espoir face à la tragédie de leur condition. Cristina De Middel signe l’affiche du festival avec un portrait où la magie a opéré au détour d’une rencontre matinale. Chacun peut devenir sujet à sa manière. Dans la Chine des dernières décennies du XXe siècle, Mo Yi incarne l’objet même de ses images, au coeur d’un vaste observatoire de la vie quotidienne, bousculant le discours passé de la représentation par l’expérimentation, la subjectivité et l’humour.

Photo : Cristina de Middel / Magnum Photos

Non loin de là, l’exposition Quelle joie de vous voir, produite par Aperture, contourne les récits établis et révèle toute l’importance des photographes japonaises, depuis les années 1950. L’exposition lève le voile sur de nouvelles perspectives historiographiques, soulignant la nécessité de l’apport d’une compréhension inclusive à l’histoire de la photographie jusqu’alors essentiellement masculine dans sa monstration. À la salle Henri-Comte, Ishuichi Miyako, lauréate du Prix Women In Motion 2024, déploie par ailleurs quelques-unes de ses séries emblématiques telle que Mother’s, qu’elle évoque en ces mots : « Je n’avais jamais pensé au corps de ma mère, et désormais je le découvrais en détail, grâce à la photographie. Prendre une photographie, c’est rendre visible les choses invisibles qui reposent sous la surface. » Le premier étage de l’Espace Van Gogh nous rappelle quant à lui que l’archipel porte aussi la mémoire d’un cataclysme survenu le 11 mars 2011, dont les origines nous plongent dans l’histoire géologique d’un territoire sans cesse malmené, placé sous la menace conséquente d’un danger nucléaire. Avec résilience, résistance et créativité, les photographes nous révèlent l’incroyable diversité et vitalité de la scène japonaise.

Les photographes se font également témoins des traces multiples de notre existence, de sa beauté, mais aussi de ses impacts collatéraux. C’est ainsi que Mustapha Azeroual, lauréat du programme BMW ART MAKERS, saisit des images sublimées de levers et couchers de soleil à la surface des océans, que Les paysages de la couleur Mississippi du projet au long cours Fleuves Océan de Nicolas Floc’h nous rappellent la présence de l’activité humaine sur la planète, tandis que Le Jardin d’Hannibal de Marine Lanier nous conduit dans les Alpes, invitant à une réflexion dystopique sur l’évolution de notre flore en proie au changement climatique.

Les archives photographiques sont inhérentes au médium. Année après année, les Rencontres proposent des incursions au coeur de la mémoire visuelle de photographes, d’artistes, mais aussi d’archives industrielles, historiographiques ou vernaculaires. Cette 55e édition donne encore à voir de nombreuses découvertes, tant dans la forme que dans le contenu. Des ama, pêcheuses japonaises à partir des archives d’Uraguchi Kusukazu, au monde mystérieux et fantasque de Michel Medinger, en passant par l’histoire du wagon-bar ou la mise en regard des collections du Musée Olympique et de Photo Elysée avec Le sport à l’épreuve, les archives occupent une place de premier plan.

Les Rencontres se définissant par leur lien à l’histoire de la ville d’Arles, certains rendez-vous prennent une portée particulière lorsqu’ils côtoient le patrimoine dont la ville regorge. L’an passé, Sophie Calle a redécouvert les ombres et lumières si singulières du site souterrain des cryptoportiques, nouvellement investi dans le cadre de l’exposition de Juliette Agnel. À la suite de cette visite révélatrice, l’artiste a d’emblée formulé le souhait d’y proposer un projet, aujourd’hui présenté sous la forme de l’exposition “Finir en beauté”.

À la recherche de nouvelles formes, le festival est aussi défricheur. Avec “Heaven and Hell”, Vimala Pons et Nhu Xuan Hua nous mènent à la rencontre entre l’art de la scène, de la performance et de la photographie, entre l’actualité, ses acteurs et la fiction. Au coeur d’une exposition hybride, les deux artistes témoignent d’un perpétuel mouvement dans un fragile équilibre. “Au nom du nom” met en avant une autre scène : celle de la rue, des marges, partant à la rencontre des surfaces sensibles du graffiti où la photographie, parfois dernier témoin de la plus vieille manifestation créatrice humaine, tisse une histoire en creux entre apparition et disparition d’un éphémère. Nombreuses sont les formes que l’écriture photographique peut prendre. Le rapport au temps et à la narration s’est particulièrement rendu perceptible dans l’approche sérielle et conceptuelle d’une génération de photographes et d’artistes tels que Zoe Leonard, Judith Joy Ross, Hans-Peter Feldmann ou Nicholas Nixon. L’exposition dédiée à la collection Astrid Ullens de Schooten Whettnall, sous le commissariat d’Urs Stahel, nous en révèle toute la richesse.

Les Rencontres d’Arles soutiennent et accompagnent toujours plus activement la création émergente. Le Prix Découverte prend désormais ses quartiers à l’Espace Monoprix et invite la commissaire Audrey Illouz à nous ouvrir de nouveaux horizons, jusqu’au questionnement que suscite la diffusion de nouvelles technologies telle que l’IA.

Aurélie de Lanlay, toute l’équipe du festival et moi-même vous attendons dès le 1er juillet à Arles pour vous faire découvrir l’ensemble de cette programmation.

Christoph Wiesner, Directeur des Rencontres d’Arles